L'Espace-Temps :
C'était au Japon, il y a bien longtemps de cela, lors de l'Ère Shōtai (898-901), que la petite région de Kyôjigoku fût isolée. On disait d'elle, qu'elle était maudite. Que des bêtes, et autres monstres, arpentaient les rues de ses villes à la recherche de l'assouvissement d'une soif meurtrière bestiale. Nul ne désirait réellement savoir ce qui s'y passait, néanmoins, nul n'ignorait pour autant que des personnes disparaissaient, jour après jour. Hommes, femmes, et enfants; jamais ils ne revenaient.
Inquiétés, apeurés, les peuples alentours ne cessaient de prier leurs Dieux et le Soleil. « Garder nous des Ténèbres. » Telle était l'hymne lugubre qui se murmurait et résonnait à chaque crépuscule de soirée, tandis que les rumeurs circulaient. Toujours plus précises, plus inquiétantes, plus effrayantes. Kyôjigoku, allait être dévorée, anéantie par les Ombres.
Il était temps d'agir, si elle tombait, il était hors de question qu'elle entraîne avec elle, le reste du Japon. Alors, les monastères des régions voisines envoyèrent tous leurs moines afin d'accomplir une mission, discrètement, secrètement. Cette étrange croisade se déroula dans le silence le plus total, comme une marche à la mort...
Enfin réunis, les prêtres se dispersèrent lentement, déposant des parchemins de purification, ça et là, tout en chantant des mélodies de protections. Ils ne s'arrêtèrent, ni ne mangèrent qu'une fois le tour de Kyôjigoku fait. Cette mascarade avait durée plusieurs jours, et afin de la conclurent, ils entamèrent, ensemble, un chœur n'ayant jamais été utilisé jusqu'à présent. Leurs voix s'infiltraient par mont et par vaux, faisant vibrer les cœurs d'une nouvelle ardeur. Alors, comme répondant à cette puissance sonore, les parchemins s'illuminèrent, créant ainsi un champ de force, qui s'étendit peu à peu, afin de prendre la forme d'un dôme, recouvrant la totalité de la Petite Maudite.
C'était fait. Enfin. Kyôjigoku venait d'être enfermée, définitivement, dans un autre Espace-Temps. Plus jamais, les bruits qui en provenaient, ne revinrent affoler les peuples, dorénavant paisibles, du Japon. Mais, cet acte de lâcheté, d'abandon, éveilla de nouvelles choses, au cœur de Kyôjigoku...
Kyôjigoku :
Livrés à leur sort, les habitants de la région Kyôjigoku ne se laissèrent pas abattre. Cela faisait maintenant deux ans que les créatures erraient sur ces terres. Et ils commençaient à les connaître, les reconnaître, identifiant chacune d'entre elles. Les premières listées, les plus faciles, furent les Yōkais. Des... choses aisément reconnaissable face à leur apparence étrangement bestiale. Les hommes n'avaient, en leur possession, aucun moyen de communiquer avec elles, ne savaient guère encore comment s'y prendre. Les Yōkais étaient apparus de nul part; ou plutôt, ils avaient réduit à néant leur chaînes de Ténèbres, afin de se glisser parmi les hommes.
Évidemment, la chose aurait-été simple, si seuls les Yōkais avaient vu le jour. Mais, ces petits monstres animaux avaient commis énormément de crimes. Tapage, vol, meurtre, ainsi que le viol... Par conséquent, les femmes qui survécurent, donnèrent naissance, en très peu de temps, à des hybrides. Mi-Homme, mi-Monstre. Les progénitures de la sorte furent nommées Akumas. Ou démons. En effet, si les hommes tolérèrent l'existence des Yōkais, il leur est impossible d'accepter une telle horreur que la naissance d'hybrides. Et ce fut, la goutte qui fit déborder le vase.
Agacés au plus au point par cette invasion, ainsi que par l'abandon de leurs confrères, les habitants de Kyôjigoku s'organisèrent, l'anarchie n'avait que trop durée. Une organisation de sécurité et de lutte contre les Yōkais et les Akumas se mit en place, sous le nom de Seigikage, « La Justice de l'Ombre ». Créée, au commencement, pour n'agir que de nuit, le service d'ordre prit de plus en plus d'ampleur, jusqu'à en arriver à un travail de jour et de nuit. Sans arrêts. Il était la fierté des hommes, qui s'y engageaient en masse.
Les créatures des Ombres, ainsi que leurs descendances, furent chassés et tués par le Seigikage. Leur nombre diminuait, leurs méfaits s'évaporaient, leur existence s'annihilait. Ceux qui tentaient de se cacher ou de lutter, étaient immédiatement tués. Les hommes n'avaient plus peur, ils se sentaient tout puissant. Supérieurs à la divinité, qui les avaient abandonné face aux Ténèbres.
Les chasseurs de l'Ombre se retrouvaient chassés. Se terrant comme des lièvres face aux molosses, ils apprirent à vivre, ou plutôt, survivre difficilement. Ils ne sortaient pas le jour, craignant la lumière, et encore moins la nuit, temps favori de chasse du Seigikage. Mais, cachés au fond de leur trou, ils entendaient des grognements s'intensifier chaque jour un peu plus. Ils l'ignoraient, mais c'étaient ceux qui s'étaient éveillés lors de la création de l'Espace-Temps.
L'Éveil :
La vacarme étrange ne passa pas inaperçu bien longtemps. Très vite, les vibrations qu'il procurait, se faisaient ressentir sur toute la région. Humains, Yōkais, et Akumas, avaient parfaitement deviné la source de ce bourdonnement incessant. Il provenait du Lac Ikeryû. Les différents peuples, tous plus intrigués les uns que les autres, épiaient sans cesse l'étendue lisse de l'étang, au point d'en oublier leur querelle.
Les eaux commencèrent à s'agiter, la houle gagnait en puissance jusqu'à ce que le lac, entier , soit aussi déchaîné qu'un océan. Puis, il se mit à chauffer, à bouillir. Les vapeurs d'eaux s'exaltaient, formant un épais brouillard. Le grognement, venait de se transformer en cris. Soudain, des abysses du Lac, jaillirent deux Dragons.
Leur corps, large et extrêmement long, était garnis d'une cuirasse d'épaisses écailles scintillantes, sous laquelle roulaient des muscles phénoménaux. Les deux reptiles rugissaient et grognaient, leurs crocs blancs et acérés à découverts. D'un simple coup d'œil, n'importe qui devinait qu'il s'agissait de Dragons Ancestraux, censés être disparus depuis cinq millénaires.
Ensemble, ils semblaient ne former qu'un. Pourtant, ils se battaient. Oui, et les peuples de Kyôjigoku en étaient ébahis. Ils les regardaient, la bouche grande ouverte. C'était un combat féroce, acharné, sauvage. La haine qui émanait des deux monstres en était presque palpable. Les percussions de leurs puissants coups faisaient vibrer l'air à plusieurs lieux à la ronde. Et, dans l'état où ils étaient, leur combat semblait avoir commencé depuis plusieurs jours. Peut-être plusieurs mois, ou même plusieurs années? Les Dragons Ancestraux avaient d'immenses pouvoir, paraissait-il. Pourtant, épuisés par leur bataille, les mastodontes s'écroulèrent sur la rive, ensemble. Mutuellement, ils s'étaient donné le coup de grâce. Ils ne bougeaient plus, ne cillaient plus, ne respiraient plus. Ils étaient morts.